Organisation du Peuple en Lutte EDITORIAL # 2
Il est un fait indéniable que malgré les apparences d’aise et d’assurance dont voudraient faire montre les tenants du pouvoir en place, par delà l’accalmie due à la pandémie du CORONAVIRUS, l’approche de la fin du mandat du Président Jovenel Moïse fait paniquer le régime PHTK. Plus d’un estime que, compte tenu de leur mauvaise gestion de la chose publique, la dilapidation des fonds de l’État, leur relation avec la corruption systématisée, l’aggravation de la misère dans les couches défavorisées de la population, le raz-le-bol général des éléments de la classe moyenne appauvrie, ils ont bien raison d’être paniqués. « Bat chen an, tann mèt li ». Alors ils se préparent. Et aussi préparent au pays quelque coup fourré. Car après la mise hors jeu du parlement (13 janvier 2020), l’installation en force de son gouvernement (5 mars), se croyant tout puissant, maître du jeu politique, le président annonça, à l’occasion de la journée internationale de la femme, le 8 mars, son projet de réformer la constitution pour consolider son pouvoir et garantir la continuité du régime Tèt Kale. Le surgissement de la pandémie modifia les données de la conjoncture et en même temps le laissa seul sur le terrain de l’action politique. Au nom du bien commun, face au danger auquel fait face la nation, tout le monde se doit de taire les griefs qu’ils ont légitimement ou non pour faire front à cet ennemi inconnu qu’est le COVID-19. L’opposition dans ses diverses composantes met une sourdine à ses dénonciations et ses actions de mobilisation pour contribuer à la sensibilisation contre la pandémie du CORONAVIRUS.
Un pouvoir à sens unique au temps du CORONAVIRUS
Tous les pouvoirs sont concentrés à l’Exécutif présidentiel. Le parlement déjà en dysfonctionnement est déclaré caduc au niveau de la chambre des députés tandis que le sénat est amputé de deux tiers de son effectif. Un gouvernement de son cru est mis en place sans programme défini et donc sans budget afférent par le Chef de l’État. Et comme un cadeau survient la pandémie, alors l’état d’urgence est décrété et tous les fonds peuvent être mobilisés aux motifs de protéger la population et de combattre la propagation du virus. Le bilan de la première période de l’état d’urgence (19 mars – 19 avril) est à la dimension de la propagande : beaucoup de mots, pas de résultats. Il n’y a aucune planification sérieuse des besoins du secteur de la santé et dans les faits aucun souci réel pour le bien-être de la population. Les règles administratives sont foulées au pied. Les institutions de contrôle sont royalement ignorées. Le Chef de l’État est seul maître à bord, et au gouvernement les désirs du chef sont des ordres. Ses idées, dit le Premier Ministre, ne doivent pas faire l’objet de discussion. Elles sont acceptées. Point barre! Des calculs politiques de bas étages visant à tromper la vigilance des citoyens et masquer les objectifs d’assauter le pouvoir une fois les rigueurs de la pandémie atténuées constituent la toile de fond des programmes mis en œuvre par le gouvernement (distribution de kits, transfert d’argent, gestion des gangs ….). Les maigres ressources de l’État sont engouffrées dans les escarcelles des activistes du pouvoir PHTK et de ses alliés. De ce fait, sont négligées les mesures et dispositions rationnelles qui tendraient à réduire le risque de contamination et de mort de beaucoup de compatriotes par le CORONAVIRUS dont les gouvernements de différents États dans le monde cherchent à contrôler l’impact par la mise en œuvre de dispositifs de prise en charge sérieuse à plusieurs niveaux: prévention; dépistage; traitement; gestion optimale des cadavres jusqu’à l’enterrement, en vue de réduire la propagation du virus et la contamination de la population.
Des indices inquiétants
Les velléités d’exercice d’un pouvoir autoritaire sont manifestes. Malheureusement, monsieur le président n’a pas les moyens de sa politique. Le cadre temporel et géo-spatial ne lui offre guère cette opportunité. De plus, les groupes politiques concernées, la société civile organisée les citoyennes et citoyens engagé.e.s n’ont pas désarmé. Ils sont en vigie. Aussi, ne pourra-t-il point réaliser son dessein malgré l’entêtement ou la témérité dont il fait montre en plusieurs occasions. Néanmoins, certains indices inquiètent. L’un d’eux, c’est la gestion de la crise au sein de la Police Nationale, qui est particulièrement préoccupante à l’heure où les gangs armés foisonnent sur le territoire national et sont de plus en plus hardis dans leurs opérations publiques, assurés de la tolérance / impunité dont ils semblent bénéficier ou de l’inefficacité des unités spécialisées de la PNH qui découle en grande partie de la connivence entre chefs de gangs et autorités de l’État.
Unique composante effective de la force publique, la Police Nationale d’Haïti (PNH) est maintenue par les hautes autorités de la République en situation difficile au risque d’être emportée par les multiples dérives dont elle fait l’objet. Avec désinvolture, le Chef de l’État, gardien de la stabilité des institutions publiques, laisse pourrir cette situation critique espérant qu’elle lui octroiera en fin de compte le contrôle total de toutes les unités de ce corps armé contrairement au vœu de l’article 143 de la Constitution. Le commandant en chef du corps est tenu en laisse par son statut de Directeur général ad intérim. Cet état de fait, lié à d’autres considérations, fait penser à une grande machination qui serait en cours dans les hauts lieux du pouvoir PHTK.
Quelques unes de ces considérations :
1) sur le plan de sécurité publique
L’épine douloureuse dans les talons du Haut Commandement de la Police: le S-PNH (Syndicat de la Police Nationale);
Les Fantômes de policiers qui manifestent en plein jour faisant peur aux simples citoyens comme aux grands commis de l’État;
Le développement anormal d’incidents provoquant des actes de brutalité d’agents de police contre des personnalités publiques comme des journalistes et des artistes;
La gestion différenciée des gangs de la capitale alimentant les troubles et l’insécurité dans certains quartiers.
2) Sur le plan de la gestion douteuse de la pandémie
Distribution de récipients (bokit) pour lavage des mains avec effigie de madame la première Dame comme en période de précampagne électorale aux frais de la Réplique;
Mobilisation de la base et des alliés du pouvoir PHTK pour distribuer des kits alimentaires et lever la liste de bénéficiaires de transferts d’argent par Moncash, un « remake » du fameux programme « Ti manman cheri »;
Déblocage de montant important d’argent pour l’assainissement des villes de la zone métropolitaine et des principales villes de province sans résultats visibles;
Le clou de cette gestion douteuse*: la livraison quotidienne par l’Office Nationale d’Identification (ONI) de cartes d’identification qui servent également et surtout de carte électorale à des gens entassés les uns contre les autres défiant toutes les règles, toutes les consignes de prévention de la pandémie;
Que veulent les autorités en place? Quel coup tordu préparent-elles? Il importe d’être plus que vigilant. Dans quelques trois mois environ, après le COVID-19 si les prévisions catastrophiques de la Commission Scientifique mise en place par le président de la République pour suivre l’évolution de la pandémie dans le monde et suggérer les mesures appropriées à prendre par le gouvernement pour endiguer sa propagation dans le pays et protéger la population, ne se matérialisent pas, les divers éléments du puzzle reconstitué mettront en évidence le plan de conquête politique du régime « Tèt Kale » pour se passer le pouvoir, se reproduire et continuer une politique de destruction des valeurs nationales, de dégradation de l’économie, de dilapidation et de gaspillage des fonds publics, de mise à mort du rêve de grandeur, de dignité et de souveraineté du peuple haïtien.
Malgré tout ou en raison même de ces préparations ci-devant indiquées, les tenants du pouvoir sont inquiets. Certains alliés et pas des moindres prennent le devant, se détachent de la troupe pour entamer leur propre mise en place dans la perspective d’élections à courte échéance. Quelles élections? Sous l’égide de quelle loi ou décret? Avec quel CEP? Dans quel contexte, d’après guerre ou en pleine guerre? On y reviendra.
Bouclier vend la mèche.
Le jeudi 30 avril 2020, en pleine période de confinement imposé par le gouvernement, la structure politique BOUCLIER, allié privilégié du pouvoir « Tèt Kale » se réunit en assemblée générale dans la section communale « Petites Dédunes » de l’Estère dans l’Artibonite pour élire son nouveau président et se mettre selon son porte-parole en ordre de marche pour les élections comme si elles devaient se tenir à brève échéance. Que concocte le pouvoir de Jovenel Moïse et de ses affidés pour l’après COVID-19?
Les délégués de BOUCLIER, cet allié de haut rang qui a collaboré fidèlement dans le processus de destruction du système de gouvernance du pays font à la presse, par l’organe de leur porte-parole, le bilan négatif de l’action gouvernementale sous l’autorité suprême du président Moise. Les esprits éveillés, prêtant attention au tableau extrêmement sombre de la réalité politique et socioéconomique du pays peint par le porte-parole , montrant ainsi l’échec patent du pouvoir issu des élections de 2015 – 2016, n’en croient pas leurs oreilles. Le bateau serait-il entrain de prendre eau que les rats s’empressent de quitter les lieux? Est-ce le signe d’une rupture d’alliance? Ou plutôt est-ce l’exécution du premier acte dans le rôle assigné à ce partenaire indéfectible qui vient annoncer la manœuvre?
En effet, BOUCLIER ne voit aucune difficulté que des élections soient organisées sous l’égide d’un gouvernement qui cafouille dans la gestion du COVID-19 pendant que le Conseil Scientifique met en garde contre l’impréparation à la catastrophe annoncée. Il est paradoxal cette démarche précipitée d’un allié du gouvernement qui renouvelle l’état d’urgence sanitaire imposant des restrictions sévères dans l’exercice des libertés publiques comme le droit de réunion (pas plus de 10 personnes ) et un confinement dont la durée n’est pas définie même si, dans la réalité du quotidien haïtien, il n’est pas véritablement respecté.
Le fait pour un acteur politique allié du pouvoir de se déclarer en « mode élections » dans un tel contexte suscite des questionnements, soulève des suspicions. Il est vrai que d’autres formations politiques, situées de l’autre côté de la barrière par rapport au pouvoir, sont elles aussi en « mode élections ». La campagne électorale sous prétexte de contributions généreuses, d’accompagnement aux populations démunies serait ouverte.
La question pour un parti politique responsable comme l’OPL est loin d’être pour ou contre la tenue d’élections. Car elles sont en dernier ressort le mécanisme de décision pour sortir de toute impasse en se tournant vers le souverain. Il s’agit par delà la question électorale de la gouvernabilité du pays. Le pays est antagonisé, le système politique disloqué. L’insécurité est généralisé, les gangs armés semblent beaucoup plus au commande que la Police nationale, seule force légale de protection et de sécurité. La désaffection à la chose politique est aujourd’hui plus grande. Le peuple est aux abois, préoccupé par la dégradation accélérée de son quotidien. Ainsi, compte tenu de l’incertitude qui plane sur la gestion des affaires publiques en ces temps de pandémie, dans le meilleur des cas, le pays gagnerait à reporter sous des auspices plus cléments tout projet électoral comme bien d’autres pays dont les chefs d’État se soucient de l’avenir de leur nation et sont à la hauteur de leur tâche, l’ont fait.
Il viendra le temps des élections et les réponses aux questions suivantes auront été préalablement trouvées.
Quel gouvernement pour la bonne réalisation des élections ?
Quel CEP pour l’organisation de ces joutes ?
Sous l’égide de quels actes règlementaires ?
Avec quelle base de données constuée à partir de quelle carte d’identification ?
Dans quel environnement sécuritaire ?
entre autres………?